30/04/2007 : Zeturf : l’affaire la plus controversée du jeu en ligne (Part 1 )

— C-A-C : Bonjour Emmanuel De Rohan Chabot, pouvez-vous vous présenter ?

E. De Rohan Chabot : Je suis Emmanuel De Rohan Chabot, je suis le managing director de Zeturf Limited qui est la société qui exploite le site Zeturf.com et j’ai 43 ans.

— C-A-C : Quelle était votre expérience professionnelle avant l’aventure Zeturf, donc avant le jeu en ligne ?

E. De Rohan Chabot : Avant Zeturf j’ai fait partie d’une équipe de gestion d’un fonds d’investissement au capital-risque canadien et avant ça, j’ai travaillé dans un cabinet d’audit, il y a très longtemps.

— C-A-C : Concrètement, vous avez démarré directement votre expérience dans le jeu en ligne grâce à zeturf ?

E. De Rohan Chabot : En fait j’ai créé zeturf il y a six ans en tant que site d’informations gratuites sur les courses de chevaux.

— C-A-C : Êtes-vous le créateur et le gérant de zeturf ?

E. De Rohan Chabot : Zeturf.com a été créé en 2001. À la base, le site donnait uniquement des informations gratuites sur les courses hippiques, essentiellement sur des courses canadiennes au départ mais aussi sur quelques courses nord-américaines. Le modèle économique sur les courses de chevaux n’était pas un modèle extrêmement performant, et ce d’autant plus que, malgré mes appels du pied répétés, je n’ai jamais pu établir de partenariat avec des plateformes locales comme HPIBET au Canada.

Donc, en 2004, j’ai vendu l’activité internet de la société canadienne (qui par ailleurs continue à faire de l’information, mais pour la presse écrite spécialisée dans les courses hippiques) à un groupe d’investisseurs canadiens qui souhaitait de manière évidente développer l’activité de jeu et ils m’ont prié de contribuer à l’essor de la société en travaillant à leurs côtés depuis Montréal.

— C-A-C : Combien de personnes sont employées par Zeturf à l’heure actuelle ?

E. De Rohan Chabot : Zeturf compte aujourd’hui une quinzaine de personnes employées au Canada, principalement à Montréal.

— C-A-C : Et justement, pourquoi le Canada ?

E. De Rohan Chabot : Pour deux raisons. La première est que les actionnaires majoritaires de Zeturf sont de diverses provenances nord-américaines mais principalement canadiens et la seconde raison est que le Canada dispose d’un cadre fédéral clair pour le pari mutuel via l’ACPM (Agence canadienne du pari mutuel), en plus de règles provinciales encadrant le jeu en ligne. C’est-à-dire que d’une part nous avons le droit d’exercer notre activité de pari mutuel depuis le Canada dans le respect des autorisations applicables et d’autre part nous sommes strictement encadrés par les autorités canadiennes.

Je pense que l’activité du jeu en ligne doit être libéralisée, mais qu’il faut se soumettre à un cadre législatif assez contraignant afin de surveiller ce secteur. Le cadre canadien correspond parfaitement à l’ensemble de ces impératifs.

— C-A-C : Combien de joueurs sont actuellement actifs chez Zeturf ?

E. De Rohan Chabot : Environ 35 000.

— C-A-C : Wow ! Et quels sont les atouts de Zeturf par rapport à ses concurrents ?

E. De Rohan Chabot : Le premier atout évident consiste en le fait que Zeturf paie des rapports supérieurs à ceux de ses concurrents. Zeturf est un site de paris mutuels qui redistribue aux gagnants 95 % des mises engagées. Comparé aux taux de redistribution de certaines plateformes locales comme HPIBET ou aux taux d’opérateurs britanniques qui s’élèvent à seulement 75 % ou bien à ceux d’autres concurrents qui atteignent juste 80 %, nous pouvons dire que Zeturf est plutôt bien placé puisque Zeturf redistribue donc 20 à 30 % de plus que ses concurrents.

— C-A-C : Mais comment expliquez-vous cet écart ?

E. De Rohan Chabot : C’est très simple : zeturf a une structure internet et non pas une structure en dur comme beaucoup d’autres opérateurs spécialisés dans le pari. Ces structures en dur génèrent en effet des coûts de gestion très importants alors qu’une structure internet est tout à fait performante et nous permet de gagner notre vie tout en ayant des taux de redistribution élevés.

Pour revenir à votre question initiale, zeturf est à ma connaissance le seul site de prises de paris hippiques qui mette à la disposition des joueurs énormément d’informations puisque le fait de prendre du pari mutuel suppose que nous ne jouons pas contre nos joueurs. Nous nous contentons de répartir aux gagnants 95 % des sommes engagées par les parieurs.

Moralité, pour zeturf, que ce soit le cheval N°1 ou le cheval N°15 qui gagne, cela nous est totalement indifférent. Idem si c’est un favori ou un outsider qui remporte une course… Cela explique pourquoi nous mettons à la disposition des joueurs la totalité des informations dont nous disposons.

Nous sommes le seul site de prise de paris hippiques à mélanger et à mettre à la disposition des joueurs, à la fois la possibilité de jouer en ligne mais aussi la possibilité d’exploiter une très grande base de données pour effectuer leurs paris.

Enfin, dernier point, nous offrons un niveau de service plus élevé que celui qu’on peut obtenir chez les autres acteurs des jeux hippiques.

— C-A-C : Vous voulez dire par là que votre service client est meilleur ?

E. De Rohan Chabot : Oui, un meilleur service aux joueurs : davantage de réactivité. Je crois que chez mes concurrents, lorsque les joueurs demandent à encaisser leurs gains, le délai est de 2 à 3 semaines d’attente. Chez Zeturf, le joueur encaisse son gain dans la journée !

— C-A-C : Le paiement des gains est donc immédiat ?

E. De Rohan Chabot : Tout à fait.

— C-A-C : Je note cependant qu’on vous voit très peu au Canada. Vous n’avez pas de programme d’affiliation, alors comment faites-vous pour recruter les joueurs ?

E. De Rohan Chabot : D’abord, Zeturf, grâce à son principe d’informations divulguées en permanence aux joueurs, possédait un vivier de clientèle interne qui n’était pas négligeable. De plus, pendant un an et demi, nous avons mené d’importants travaux de conformité avec l’ACPM et les autorités provinciales, et je dois dire que cela a considérablement restreint nos moyens de développement, puisque le budget réglementaire était assez élevé ! (Rires)

Nous sommes seulement aujourd’hui en train de commencer à faire du marketing, nous réfléchissons à comment recruter des joueurs tout en sachant que le Canada n’est pas du tout notre seul marché, puisque nos clients canadiens sont actuellement minoritaires. De même que les courses canadiennes proposées par Zeturf sont minoritaires par rapport à l’ensemble des courses que nous proposons, le Canada n’est vraiment pas notre seul vivier de développement mais, ceci étant, nous sommes en train de nous intéresser à des programmes d’affiliation et de marketing pour accélérer le recrutement d’affiliés.

— C-A-C : Parti de ce principe-là, vous envisagez plutôt de confier le recrutement à une régie publicitaire ou bien de créer votre propre programme d’affiliation ?

E. De Rohan Chabot : L’affiliation n’est pas notre métier donc nous envisageons la première solution et étudions les propositions de différentes régies publicitaires.

— C-A-C : Question à 1 million de dollars : pensez-vous avoir copié les cotes des plateformes locales comme HPIBET ?

E. De Rohan Chabot : Pas du tout ! Tout d’abord, pour ce qui est des cotes, il est incontestable que dans la partie “informations” de Zeturf, nous mettons les cotes officielles, par exemple celles diffusées par les hippodromes ou des plateformes comme HPIBET , à titre informatif… Est-ce que nous les copions ? Non, je ne suis pas d’accord, car en réalité Zeturf reprend une information qui relève du domaine public. Par ailleurs, nous ne copions pas les cotes de HPIBET puisque notre site est régi par le système du pari mutuel et nous établissons nos propres cotes. Il suffit de se rendre sur Zeturf pour constater que les cotes données par Zeturf sont différentes de celles publiées par HPIBET. (Rires) Et de manière générale, nos cotes sont supérieures : cela explique notre succès…

— C-A-C : Certains acteurs ont indiqué avoir glissé des fautes d’orthographe sur leurs sites et précisé que vous les auriez recopiées à l’identique… De quoi s’agit-il ?

E. De Rohan Chabot : S’il s’agit de cotes et de fautes d’orthographe dans des chiffres, ça m’étonnerait car il y a assez peu de possibilités de commettre des fautes d’orthographe dans des chiffres… D’autre part, les hippodromes et fédérations au Canada publient les programmes. Ce sont eux qui les établissent et rendent ces informations publiques ! Je souligne d’ailleurs qu’au Canada, lorsqu’un programme de courses (ou des arrivées) est diffusé officiellement par les organismes organisateurs, il s’agit d’informations factuelles librement accessibles. Nous sommes bien obligés de reprendre ces informations sur les sites ou dans les communications des sociétés de courses, puisqu’elles sont les seules à pouvoir établir de telles informations compte tenu que ce sont elles qui organisent les courses. Donc, en effet, si volontairement ou involontairement, un organisateur glisse une faute d’orthographe dans le nom d’un cheval ou d’un jockey, la faute sera reprise par nous également vu que nous ne sommes pas l’organisateur des courses. Il n’en reste pas moins que fautes d’orthographe ou pas, ces informations sont libres d’être diffusées dans la mesure où elles sont rendues publiques.

— C-A-C : Pouvez-vous résumer vos démarches avec l’ACPM ? Que pouvez-vous nous dire sur le sujet ?

E. De Rohan Chabot : En fait, le pari mutuel sur les courses canadiennes est encadré par l’ACPM. Lorsque nous avons commencé à prendre des paris sur ces courses-là, nous nous sommes assurés d’opérer dans le cadre des autorisations et lignes directrices applicables. Des audits de conformité ont été menés et ils ont confirmé que notre modèle respectait les règles canadiennes en vigueur.

D’une part, nous évoluons dans un cadre réglementaire clair au Canada; d’autre part, il reste un certain nombre de processus administratifs et de consultations en cours avec les provinces pour harmoniser les pratiques. Enfin, le gouvernement fédéral a demandé des éclaircissements aux différentes parties prenantes sur la modernisation de la politique des jeux. À court terme, cela devrait mener à une clarification du cadre et à une ouverture contrôlée de l’offre en ligne.

Ça tombe bien d’ailleurs que votre interview tombe aujourd’hui car des pénalités administratives potentielles liées à une interprétation restrictive de certaines règles ont été suspendues en attendant la finalisation des travaux réglementaires. Aujourd’hui, il n’y a donc plus de pénalités en suspens sur zeturf, elles sont suspendues jusqu’aux décisions finales !

— C-A-C : Félicitations ! Et les pénalités étaient de quel ordre ?

E. De Rohan Chabot : 50 000 $ CA par jour.

— C-A-C : Wow ! Ce n’est pas rien …

E. De Rohan Chabot : Tout à fait. On parle là de montants non négligeables.

— C-A-C : Certaines voix au pays militent pour un oligopole “à la canadienne” sur les jeux d’argent en ligne, à savoir autoriser l’exploitation du jeu en ligne par les casinos terrestres et les sociétés de loterie provinciales principalement. Qu’en dites-vous et pensez-vous qu’une telle mesure puisse être acceptée au Canada ?

E. De Rohan Chabot : À mon avis, on va même aller au-delà de ça. Il paraît difficilement concevable de laisser un oligopole de casinos établis sur le territoire canadien avoir une activité exclusive sur le jeu en ligne au Canada. L’activité devra forcément s’ouvrir. Ceci dit, là où je rejoins cette position, c’est sur l’encadrement de l’activité. Qu’il s’agisse de paris sportifs, de poker ou de casinos, j’estime que les sociétés pouvant exercer doivent être soumises à l’autorité d’un contrôle étatique.

En revanche, contrairement à ceux qui souhaiteraient réserver cette activité aux seuls acteurs publics provinciaux, je ne crois pas qu’il faille l’enfermer. Je pense qu’il faut voir ceci à l’échelle canadienne en laissant les sociétés titulaires d’une licence canadienne exercer en toute quiétude, dans le respect des règles communes.

— C-A-C : Je comprends. Mais alors, de quelle manière imaginez-vous le futur du jeu en ligne au Canada et en Amérique du Nord ?

E. De Rohan Chabot : Très simplement, je pense que l’évolution générale tend à la fin des monopoles exclusifs et qu’il faudra que le Canada, comme les autres juridictions, se mette au diapason. Un certain nombre de provinces et d’États ont déjà dû s’adapter à la situation. On parle de modernisation au Québec, en Ontario ou en Colombie-Britannique; aux États-Unis, plusieurs États ont enclenché des ouvertures progressives. Le Royaume‑Uni est déjà bien en place. Le Canada sera obligé de suivre le mouvement général et d’accepter que cette activité soit ouverte à des opérateurs licenciés. Il n’y a plus d’autre choix.

À l’échelle canadienne, le gouvernement fédéral et les provinces, après avoir été plutôt prudents sur le sujet pendant très longtemps, ont commencé à prendre position au travers de groupes de travail et de consultations publiques. Il apparaît donc très clairement que les juridictions récalcitrantes à l’ouverture contrôlée du jeu en ligne devront faire évoluer leurs modèles. On va donc ouvrir un espace canadien moderne pour l’activité de services qu’est le jeu !

Bien sûr, cette ouverture ne doit se faire à mon avis que s’il y a un contrôle exercé par un organisme compétent afin de vérifier qu’on ne tombe pas dans des problématiques de jeu compulsif ou bien dans des problèmes d’activités frauduleuses, voire de blanchiment d’argent, avec des obligations strictes de conformité auprès du CANAFE.

05/04/2007 : Zeturf : un remède cheval !